Exposition à la méthamphétamine et maladies chroniques des officiers de police : amélioration significative avec la thérapie de détoxication basée sur le sauna
NOTE DE SYNTHÈSE
Abrégé
Contexte : La littérature médicale fait état de dangers pour la santé des membres des forces de l’ordre suite à une exposition répétée à la méthamphétamine et aux composés chimiques apparentés. La plupart des effets semblent transitoires, mais certains officiers de police de l’Utah que la fonction expose à la méthamphétamine ont développé des symptômes chroniques dont certains conduisent à l’invalidité. Ce rapport traite d’une évaluation rétrospective non contrôlée du dossier médical d’officiers de police présentant ces symptômes et traités avec un protocole de détoxication en sauna, destiné à réduire les symptômes chroniques et à améliorer leur qualité de vie. Méthodes : Soixante-neuf officiers de police inscrits successivement au Projet Meth de la Police de l’Utah (Utah Meth Cops Project) ont été évalués avant et après un programme comprenant des exercices progressifs, un soutien nutritionnel complet et une méthode physique en sauna. Des évaluations comprenaient les scores avant et après le traitement résultant de l’enquête de santé du formulaire court en trente-six questions (SF-36) de l’Institut de recherche et de développement (RAND), avec comparaison aux normes RAND de la population, aux scores d’intensité des symptômes avant et après le programme, aux scores de neurotoxicité, à un mini-examen de l’état mental des personnes, aux fréquences de présentation des symptômes et à une évaluation structurée de la sécurité du programme de traitement. Résultats : Des améliorations de l’état de santé statistiquement significatives ont été observées dans les évaluations SF-36, les scores de fréquence des symptômes et de neurotoxicité. Le protocole de détoxication a été bien toléré, avec un taux de programmes terminés de 92,8 %. Conclusions : Cette enquête suggère fortement que l’utilisation du sauna et d’une méthode nutritionnelle pourraient permettre d’alléger les symptômes chroniques apparaissant après les expositions aux produits chimiques dans le cadre de l’activité des forces de l’ordre concernant la méthamphétamine. Ce rapport présente également un intérêt pour répondre aux effets néfastes apparents d’autres expositions chimiques complexes. Au vu des résultats cliniques positifs de ce groupe, une étude plus large de ce programme à base de sauna semble justifiée.
Introduction
Les personnes ayant une addiction à la méthamphétamine développent des problèmes de santé graves, mais on comprend moins bien le nombre élevé de membres des forces de l’ordre qui présentent d’importants symptômes liés à leurs investigations des laboratoires clandestins de méthamphétamine (CDC, 2005). Il peut s’agir de symptômes transitoires, mais de nombreuses personnes éprouvent des symptômes persistants qui les conduisent à avoir besoin de soins médicaux.
La réaction provoquée par un laboratoire actif se traduit par un risque de 7 à 15 fois plus élevé de tomber malade, par comparaison avec d’autres activités présentant apparemment une moindre exposition aux produits chimiques. Selon Marshall (2000), depuis 1993 « le nombre d’enquêtes sur les laboratoires clandestins de drogue a continué à augmenter, faisant de l’Utah l’État numéro un du nombre de laboratoires de méthamphétamine par habitant. »
En 2007, le procureur général de l’Utah a fait une enquête sur un programme de détoxication à base de sauna utilisé à Manhattan pour traiter des membres des équipes d’intervention et de sauvetage chroniquement malades, qui avaient été exposés lors des attentats du 11 septembre 2001 et de l’effondrement du World Trade Center. Un officier de police supérieur et un pompier professionnel, tombés malades après une exposition aux produits chimiques liée aux laboratoires de méthamphétamine de l’Utah, attribuent l’amélioration notable de leur état de santé au fait d’avoir suivi ce programme.
L’association à but non lucratif American Detoxification Foundation (ADF), crée et administre le Projet Meth de la Police de l’Utah (Utah Meth Cops Project, UMCP), qui utilise le protocole de détoxication Hubbard et surveille la santé et la qualité de vie des officiers de police de l’Utah, afin de traiter les symptômes correspondant à (et apparaissant suite à) une exposition à la méthamphétamine et aux produits chimiques associés, dans le cadre de leur fonction.
MÉTHODOLOGIE :
Description du groupe d’étude, critères d’admission et d’exclusion
Il s’agit d’une évaluation rétrospective du dossier médical des 69 premiers officiers de police à avoir participé à l’UMCP entre octobre 2007 et juillet 2010. Ces officiers se sont inscrits suite aux efforts de sensibilisation déployés par les membres du projet et au bouche à oreille au sein de la police, ou ont été envoyés par leur commissaire ou par le shérif du comté.
Critères d’exclusion : grossesse, cancer déclaré, handicap nécessitant un fauteuil roulant, antécédents de psychose, traitement psychiatrique lourd, tentatives de suicide étaient les critères d’exclusion.
Critères d’admission : (1) Travailler avec les forces de l’ordre en Utah, (2) avoir été en contact, documents à l’appui, avec la méthamphétamine et produits chimiques associés dans le cadre de fonctions chargées du respect de la loi, et (3) avoir développé par la suite des symptômes médicaux persistants ou une maladie chronique, étaient les critères d’admission. Les officiers ont donné par écrit leur consentement éclairé au programme et à la supervision des résultats, y compris les rapports sur les résultats globaux.
Le Directeur médical a admis les participants en fonction de leurs antécédents complets et à la suite d’un examen physique, d’un électrocardiogramme et d’analyses sanguines (bilan métabolique et hépatique, dépistage des hépatites B et C et du VIH, numération globulaire complète et bilan thyroïdien). Des examens complémentaires ont été effectués, par exemple des dosages de testostérone, lorsque les entretiens ont révélé des problèmes justifiant cette évaluation. Les officiers de police présentant des symptômes débilitants ont eu une certaine priorité ; aucun programme préférentiel n’a été accordé en raison de l’âge, du sexe, du rang ou du nombre d’expositions liées à la meth.
On trouve parmi les patients des agents infiltrés, des officiers des narcotiques et du SWAT (Special Weapons and Tactics, unité spécialisée d’intervention) de diverses juridictions urbaines et de comtés de l’Utah, des officiers des patrouilles autoroutières (Utah Highway Patrol), du contrôle des Douanes et de l’Immigration (ICE) ou de la Drug Enforcement Administration (DEA) et des officiers exposés lors de la réalisation d’analyses chimiques en laboratoire.
L’intervention : Le protocole Hubbard standard de détoxication à base de sauna. (Hubbard 1990)
ÉVALUATION DES RÉSULTATS
L’évolution des symptômes et la qualité de vie ont été évaluées à l’aide des données de base et d’un examen physique, d’interviews de suivi et d’une série d’évaluations avant et après le programme :
- Le questionnaire de santé RAND de 36 questions (SF-36) évaluait la qualité de vie liée à l’état de santé pendant une période de quatre semaines avant le programme. Le mécanisme de notation du RAND SF-36 diffère de la notation officielle du Medical Outcomes Trust et permet d’établir un profil en 9 tableaux de la capacité fonctionnelle et du bien-être physique et mental. Les scores au SF-36 ont été comparés avant et après le programme, et également aux normes RAND de la population américaine en général.
- Une enquête de 50 questions, réalisée avant et après le programme, et portant sur les symptômes, le nombre de journées de maladie et les rythmes de sommeil des quatre dernières semaines, a été développée par la Foundation for Advancements in Science and Education (FASE) pour les paramètres cliniques utilisant la méthode Hubbard.
- Un questionnaire de neurotoxicité de 13 questions basé sur les paramètres de Singer (2006), réalisé avant et après le programme, évaluait les problèmes survenus au cours des trois précédentes semaines concernant l’irritabilité, le retrait de la vie sociale, la baisse de motivation, la mémoire récente, la concentration, la lenteur d’esprit/le brouillard mental, les troubles du sommeil, la fatigue, la fréquence et la sévérité des maux de tête, le dysfonctionnement sexuel, l’engourdissement des extrémités et la diminution de l’acuité mentale, exprimés sur une échelle de 0 à 10 type Likert.
- Mini-examen de l’état mental.
- Formulaire de rapport journalier : un résumé structuré des signes vitaux/ événements enregistrés par un membre du staff formé, chaque jour du programme, comprenant tout effet indésirable (lié ou non au programme).
Pour la sécurité de l’évaluation, tout événement indésirable ou toute interruption du protocole sont mentionnés sur le rapport journalier et sont évalués par le directeur médical.
RÉSULTATS
Durée et taux de terminaison du programme
Un total de 66 hommes et 3 femmes, d’âge moyen de 44,6 ans, se sont inscrits successivement avec un taux de 95,8 % à la fin du programme ; 5 hommes n’ont pas terminé le programme. La durée moyenne pour les 64 patients ayant terminé ce programme a été de 33 jours.
Symptômes présents chez plus de 50 % des officiers de police et enregistrés dans l’évaluation réalisée au moment de leur inscription : fatigue : 96 %, insomnie : 91 %, maux de tête : 90 %, brûlures d’estomac : 81 %, changement de personnalité : 78 %, engourdissement des mains et/ou des pieds : 77 %, pertes de mémoire : 77 %, antécédents d’allergies : 75 %, manque de concentration : 75 %, mal de dos : 71 %, douleurs articulaires : 71 %, essoufflement à l’effort : 70 %, irritations de la peau : 68 %, anxiété/dépression : 65 %, douleurs/gaz abdominaux : 65 %, sinusite/congestion : 55 %, maux de gorge : 52 %.
Pourcentage d’officiers présentant des résultats anormaux lors de leur inscription : Les résultats anormaux étaient les suivants : taux élevé de lipides dans le sang : 58 %, tests de fonction hépatique élevés : 41 %, rombergisme positif (incapacité à garder l’équilibre en position pieds joints avec les yeux fermés) : 35 %, hypertension : 28 %, taux de glucose dans le sang élevé : 19 %, taux de testostérone dans le sang bas : 17 %, bilan thyroïdal - taux bas : 17 %.
Sécurité de la méthode
L’inconfort et autres « événements indésirables » (éprouver par exemple des symptômes émotionnels ou ressemblant à une maladie) n’ont pas interféré de manière significative avec l’administration du programme. Par exemple, tous les participants ont fait l’expérience de rougeurs et de démangeaisons temporaires couramment provoquées par la niacine, mais cela n’a pas interféré avec l’administration du programme et n’a pas empêché les participants de le terminer. Comme le montre le Tableau 2, de nombreux participants ont éprouvé des effets temporaires, par exemple se sentir découragés, avoir par moments des quintes de toux, ressentir de la fatigue, etc. Ces manifestations étaient passagères et il n’y a pas eu besoin de consultation médicale. Les insomnies ont parfois modifié l’administration du programme. Si la personne n’avait pas eu une nuit de sommeil complète, le programme était administré le jour suivant selon un horaire réduit. Deux officiers avaient la goutte et l’un d’eux a interrompu le programme.
SCORES AU QUESTIONNAIRE DE SANTÉ RAND SF-36 :
Changement de la qualité de vie liée à la santé
La figure 2 montre sous forme graphique les scores SF-36 avant et après le programme des officiers de police ayant terminé le programme, calculés au moyen de la méthodologie RAND et comparés aux normes moyennes de la population américaine.
Les valeurs moyennes des scores de la qualité de vie liés à la santé avant le programme étaient significativement plus basses que les normes RAND de la population en général pour les 9 sous-catégories, sauf en ce qui concerne la limitation du rôle social à cause de problèmes physiques ou à cause de problèmes émotionnels. Après le programme, les scores montrent une amélioration statistiquement significative en comparaison avec les scores antérieurs au programme. Les scores avant et après le programme des officiers de police montrent également une amélioration significative dans toutes les sous-catégories, en comparaison avec les normes RAND de la population en général.
Gravité des symptômes et jours de maladie
Les scores avant et après le programme de gravité moyenne des symptômes sont illustrés à la figure 3 et ont diminué de manière significative.
Les patients ont signalé en moyenne :
- 9,3 jours de mauvaise santé physique avant le programme, ramenés à 1,8 jour après le programme ;
- 6,3 jours de perturbation mentale avant le programme, contre 1,4 jour après le programme ;
- 4,3 jours d’activité limitée en raison de problèmes de santé avant le programme, contre 0,2 jour après le programme ;
- 2 jours de maladie avant le programme, contre 0,3 jour après le programme.
Habitudes de sommeil
Les participants dormaient en moyenne 5,8 heures par nuit avant le programme et 7,6 heures après le programme.
Scores de neurotoxicité
Ce questionnaire a été réalisé à partir du vingtième participant. Après avoir écarté les données incomplètes, nous avons obtenu 38 paires de réponses avant et après le programme (taux de réponse de 84,4 %). Le score de neurotoxicité moyen était de 65,5 avant le programme, alors que le score après le programme est de 14,6.
Mini-évaluation de l’état mental
Sur une échelle de 30 points, les scores inférieurs à 25 indiquent un dysfonctionnement cognitif significatif. Aucun changement notable n’a été détecté entre les scores avant et après le programme.
Débat
Être officier de police exige généralement un physique robuste et une stabilité émotionnelle. Par contraste avec ces critères de sélection, les officiers traités dans le cadre de ce projet présentaient des symptômes débilitants chroniques correspondant à une exposition aux produits chimiques.
Dans ce petit groupe de 69 individus, il est surprenant que 2 sous-ensembles de 17 % des patients aient présenté un taux de testostérone et/ou un bilan thyroïdal bas. La prévalence de l’hypothyroïdie aux États-Unis est d’environ 5 %. Un déséquilibre thyroïdien préexistant peut prédisposer des officiers à une maladie chronique, mais un bilan thyroïdal bas peut être une conséquence directe de l’exposition à la méthamphétamine, étant donné la relation de causalité existant entre les produits chimiques présents dans l’environnement et un faible fonctionnement de la thyroïde.
Les symptômes communs à ceux qui ont signalé une mauvaise santé chronique étaient également inhabituels. Plus de 75 % des officiers de police ont déclaré ressentir la totalité des neuf symptômes suivants : fatigue, insomnies, maux de tête, brûlures d’estomac, changements de personnalité, engourdissement des mains et/ou des pieds, pertes de mémoire, antécédents de symptômes d’allergies et manque de concentration. Cet ensemble de symptômes soulève la possibilité que ces « expositions communes » aient pu déclencher des « symptômes communs ». Cette typologie de symptômes pourrait aider de futurs chercheurs ou praticiens à mieux reconnaître et classifier l’exposition à la méthamphétamine. Les scores SF-36 « pré-programme » des officiers ayant été exposés à la méthamphétamine montraient plus de douleur, plus de fatigue et des signes d’une santé nettement plus mauvaise que la population en général.
C’est dans ce contexte que le protocole du programme Hubbard à base de sauna a été utilisé. Si l’exposition aux produits chimiques et/ou la contamination étaient la cause de ces symptômes chroniques, un « programme de détoxication » multiforme constituait en effet une approche raisonnable.
À notre connaissance, c’est la première fois qu’un « programme de détoxication » à base de sauna a été évalué par rapport à des officiers de police ayant été exposés à la méthamphétamine. La grande majorité d’entre eux ont terminé ce programme avec un minimum d’inconfort ou de désagréments, obtenant une diminution significative de leurs symptômes et une amélioration mesurable de leur santé et de leur qualité de vie. Cela suggère que ce programme pourrait aider des officiers de police exposés de façon similaire à d’autres endroits.
Nombre de personnes ayant vécu l’événement | Nombre de personnes ayant manqué des journées à cause de l’événement | Nombre de personnes ayant besoin d’une consultation médicale suite à l’événement | Nombre de personnes ayant interrompu le programme suite à l’événement | ||||||
Rougeurs, démangeaisons de la peau dues à la niacine | 69 | 0 | 0 | 0 | |||||
Émotionnel, irritable, déprimé | 18 | 0 | 0 | 0 | |||||
Toux, congestion, maux de gorge | 13 | 0 | 0 | 0 | |||||
Symptômes de type grippal, sans fièvre | 11 | 0 | 0 | 0 | |||||
Symptômes de type grippal, légère fièvre | 2 | 0 | 0 | 0 | |||||
Maux de tête | 6 | 0 | 0 | 0 | |||||
Insomnies, rêves agités | 15 | 12a | 0 | 1b | |||||
Épuisement | 14 | 0 | 0 | 0 | |||||
Crampes d’estomac, nausées, diarrhées | 8 | 3 | 0 | 0 | |||||
Douleurs dans le corps | 5 | 2 | 0 | 0 | |||||
Goutte | 2c | 2 | 1 | 1 | |||||
Conflits au travail ou autres problèmes d’horaires | 5 | 4 | 0 | 3d | |||||
aSelon le protocole, les patients qui ont eu moins de 6,5 heures de sommeil suivent le jour suivant un programme réduit à 10 min d’exercice et 4 séances de sauna de 10 min chacune, séparées par des pauses de 10 min. bCe patient a signalé une nette amélioration de sa santé, mais ne dormait pas assez pendant le programme. Le programme est considéré comme incomplet en ce qui concerne l’analyse des données. cCes deux patients ont signalé des crises de goutte antérieures au début du programme. d Deux officiers de police n’ont pas pu consacrer assez de temps au programme et ont dû reprendre le travail ; le troisième a arrêté, évoquant des facteurs liés à son travail, et il avait aussi manqué 6 jours au milieu de son programme. |
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